De l'abus des nudités de gorge (sein).

DE L’ABUS DES NUDITÉS DE GORGE (SEIN)

Attribué à l’abbé Jacques Boileau
Paris, Adolphe Delahays, 1858 (réimpression conforme à l’édition de 1677).
Imprimé par Henri Plon, Imprimeur de l’Empereur.
Un vol. in-12. 130 p.
Demi-percaline verte à coins, pièce de titre en maroquin à grain long. Papier chiffon de belle tenue.

I. Description matérielle

Charmant exemplaire de cette réimpression savante du XIXᵉ siècle, soigneusement établie sur la seconde édition de 1677.
Reliure en demi-percaline verte à coins, typique des productions érudites Delahays, dos lisse orné d’une étiquette de maroquin à grain long, très propre. Intérieur d’une remarquable fraîcheur, sur papier chiffon épais, à la vergeure fine et bien préservée, témoignant du soin apporté par l’atelier de Henri Plon, alors l’un des imprimeurs les plus réputés du Second Empire.
Un volume solide, élégant, d’usage agréable — et un remarquable représentant des réimpressions bibliophiliques du XIXᵉ siècle.

II. Notice bibliographique

L’ouvrage reproduit fidèlement le texte de la seconde édition “revue, corrigée et augmentée” sortie sous l’adresse de Bruxelles, mentionnant : « A Paris, chez J. de Laize-de-Bresche, 1677 ». Cette adresse, comme l’ont montré les bibliographes, est fictive, l’édition originale ayant très probablement circulé clandestinement ou sous presse étrangère, afin d’éviter les contraintes de la censure parisienne.

Adolphe Delahays, éditeur érudit spécialisé dans les réimpressions d’ouvrages introuvables, donne ici une édition scrupuleuse, à une période où l’on cherche à redonner vie à la littérature morale et satirique du Grand Siècle.
La collaboration avec Henri Plon, imprimeur officiel de l’Empereur, renforce le caractère rigoureux et “de luxe typographique” de cette reprise.

III. Contexte historique : un traité moral au cœur des tensions vestimentaires du règne de Louis XIV

De l’Abus des nudités de gorge s’inscrit dans la vive polémique qui, dès les années 1660–1680, oppose moralistes rigoristes et milieux mondains au sujet de la mode très décolletée alors en faveur à la cour.
Les prédicateurs — Bourdaloue, Maimbourg, les auteurs de la mouvance janséniste — fulminent contre les “gorges découvertes”, perçues comme l’emblème d’une corruption croissante des mœurs.

L’ouvrage attribué à l’abbé Jacques Boileau (1635–1716) occupe une place singulière dans cette controverse :

• Il mêle une rhétorique rigoriste à un sens aigu de l’observation sociale ;

• Il dénonce l’influence dissolvante du luxe et des parures féminines ;

• Il s’inscrit dans une stratégie plus large de disciplinarisation des corps menée par le clergé réformateur sous Louis XIV ;

• Il déploie un discours mêlant théologie morale, satire, et portrait de mœurs.

Frère du poète satirique Nicolas Boileau, Jacques appartient à une famille d’ecclésiastiques austères, liés à plusieurs cercles réformateurs parisiens. Son style, vif et non dénué d’ironie, explique l’immense popularité clandestine du traité : réimprimé sous plusieurs adresses, souvent contrefait, il connut une diffusion paradoxale, simultanément condamnée et recherchée.

IV. La réimpression Delahays–Plon : une entreprise savante du XIXᵉ siècle

Au XIXᵉ siècle, l’ouvrage attire l’attention :

• Des historiens du costume,

• Des érudits curieux de littérature morale,

• Et des bibliophiles spécialisés dans les textes rares du Grand Siècle.

C’est dans ce contexte que Delahays entreprend de publier une version critique mais non modernisée, respectant l’orthographe d’origine, les tics stylistiques, et les particularités de la prose moraliste du XVIIᵉ siècle.
Le recours à la maison Henri Plon garantit une typographie bien tenue, régulièrement citée dans les catalogues de l’époque comme l’une des plus soignées du marché parisien.

Cette réimpression, devenue à son tour rare, figure aujourd’hui parmi les tirages recherchés pour compléter les collections autour :

• De la littérature sur les mœurs,

• Des ouvrages de costume et d’histoire du vêtement,

• Des curiosa moralisantes,

• Ou des études sur le contrôle social à la cour de Louis XIV.

V. Importance et intérêt bibliophilique

• Reproduction excellente d’un texte quasi impossible à obtenir en édition originale.

• Intérêt majeur pour l’histoire du costume féminin, de la mode du décolleté au XVIIᵉ siècle, et de la discipline morale.

• Un jalon dans la littérature clandestine et les controverses religieuses du règne de Louis XIV.

• Tirage Plon–Delahays recherché, tiré sur papier chiffon, aujourd’hui difficile à rencontrer en bel état.

• Objet de collection pertinent pour bibliophiles, historiens du vêtement, chercheurs en études de genre et en histoire sociale de l’Ancien Régime.